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Salariés du privé en CDI et passeport sanitaire

Dernière mise à jour : 29 juil. 2021

Que prévoit le projet de loi sanitaire au sujet des salariés qui ne présenterait pas un passeport sanitaire adopté par la commission mixte paritaire en date du 25 juillet 2021 ?


Le 25 juillet 2021, la Commission Mixte Paritaire qui réunit Assemblée Nationale et Sénat, a malheureusement adopté le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire qui porte une atteinte inédite au respect de la vie privée des salariés et vient légitimer une discrimination sur leur état de santé.


Le texte prévoyait initialement que les salariés des établissements requérants un passeport sanitaire devaient également en présenter un pour pouvoir travail sous peine de suspension de salaire pouvant aller jusqu’à deux mois et de rupture de leur contrat de travail, pas moins !


La suspension de salaire pour les salariés du privé en CDI


Si initialement les sénateurs souhaitaient supprimer le licenciement des salariés qui ne produirait pas un pass sanitaire, la Commission Mixte Paritaire s’est livrée, elle, à l’exposé d’une sanction qui semble bien pire qu’un licenciement.


En effet, le nouveau projet de loi modifié par la CMP, dans un article 1er prévoit, pour les salariés en CDI :


« C. – 1. Lorsqu’un salarié soumis à l’obligation prévue aux 1° et 2° du A du présent II ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats dont ces dispositions lui imposent la présentation et s’il ne choisit pas d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, ce dernier lui notifie par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail. Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis."


Selon cette nouvelle monture du texte, le salarié ne sera pas licencié, mais suspendu, et ce, pour une durée indéfinie s’il ne fournit pas les justificatifs nécessaires c’est-à-dire un pass sanitaire en règle, soit :

- Un certificat de vaccination

- Ou un test PCR (ou antigénique) toutes les 48 heures

- Ou encore le résultat d'un test RT-PCR positif attestant du rétablissement de la Covid-19, datant d'au moins 11 jours et de moins de 6 mois.


Tests PCR et antigéniques étant bientôt déremboursés à et contraignant, le but du gouvernement est de faire en sorte que le salarié qui ne sera probablement pas en mesure de débourser une cinquantaine d’euros tous les deux jours soit contraint de se vacciner ou de démissionner…


Le salarié qui ne disposera pas de pass sanitaire verra son contrat suspendu et sera privé de revenus. Ainsi, comme son contrat perdurera et à défaut de licenciement, il ne pourra pas percevoir d’allocations chômage.


En conséquence, le salarié, qui refuse le pass sanitaire, se verra, de facto, contraint de démissionner et c’est sans doute, ce que souhaite le législateur.


Pourquoi le salarié qui voit son contrat de travail suspendu n’a pas intérêt à démissionner ?


La démission est une rupture unilatérale à l’initiative du salarié, elle ne donne pas droit aux allocations chômage (sauf dans des cas spécifiques avec des conditions très restrictives).


Cependant, la démission n’est de loin pas la solution préférable pour le salarié.


Quelles pourraient être les alternatives à une démission ?


D’autres solutions sont envisageables :


  • La rupture conventionnelle (ce que certains appelleront « licenciement amiable », mais qui n’a pas les caractéristiques d’un licenciement) :


Elle donne droit au versement des indemnités chômage ; mais suppose à la fois l’accord du salarié et de l’employeur


Il ne s’agit pas non plus d’une solution avantageuse, puisque le salarié perdra son emploi et surtout à l’issue d’une suspension de son contrat où il aura été privé de salaire.


  • La prise d’acte de la rupture :


La prise d’acte produit les effets d’une démission tant qu’elle n’est pas requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul) aux torts exclusifs de l’employeur.


Elle est risquée, puisque tant qu’elle n’est pas requalifiée, elle n’ouvre pas droit à des allocations chômage pour le salarié.


Sa reconnaissance en licenciement abusif est également soumise à l’aléa judiciaire…


  • L’arrêt maladie :


Si le salarié venait à déposer un arrêt maladie, quelques jours avant l’obligation de fournir un pass sanitaire, celui lui permettrait éventuellement de percevoir des indemnités journalières versées par la sécurité sociale.


Aucune règle n’est pour l’instant prévue concernant cette éventualité.


Pourquoi le texte adopté par la CMP et plus largement le pass sanitaire pour les salariés pose problème ?


Ce projet de loi pour les salariés du privé se fait au mépris de principes essentiels posés dans le droit du travail.


La discrimination sur l’état de santé :


L’employeur n’a pas à avoir d’informations sur votre état de santé, seule la médecine du travail le peut.


Même lorsque le salarié a la reconnaissance de travailleur handicapé, il n’est pas obligé de la transmettre à son employeur.


Le seul élément relatif à l'état de santé du salarié dont l’employeur pouvait avoir connaissance, avant ce projet de loi, était la déclaration d’inaptitude du médecin du travail et bien évidemment les arrêts maladie sans toutefois en connaitre le motif exact.


Le passeport sanitaire rend légitime une discrimination sur l’état de santé.


Il est contraire à l’article L1132-2 du Code du travail, selon lequel « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte […] en raison de son état de santé ou de son handicap ».


L’accès du salarié à l’entreprise devient conditionné à son statut sérologique (vaccinée) ou à un test démontrant qu’il est bien portant (PCR ou antigénique).


Au surplus, ce pass instaure une sanction pécuniaire.


L’interdiction des sanctions pécuniaires


Le fait de priver un salarié de ses revenus parce qu’il ne fournit pas des renseignements sur son état de santé s’assimile à une sanction pécuniaire.


Selon l’article L1331-2 du Code du travail : « Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.

Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite. ».


La jurisprudence a posé une limite à cette interdiction puisque le salarié peut être responsable pécuniairement en cas de faute lourde (Cass. soc. 25 janv 2017, pourvoi n° 14-26.071, arrêt n° 162 FS-P+B).


Cependant, la faute lourde est très rarement admise et le salarié ne répond que des préjudices qu’il cause à la société avec une intention de nuire caractérisée (concurrence déloyale, vol d’un fichier client…).


Le fait pour un salarié de refuser de se vacciner ne saurait être constitutif d’une faute lourde et donc la suspension du contrat de travail et de fait du salaire, semble inenvisageable.


Par ailleurs, le fait pour un employeur d'exercer des pressions sur son salarié dans le but qu'il se fasse vacciner pourrait être constitutif d'un harcèlement moral.


Le Conseil constitutionnel doit délibérer sur ce projet de loi au 5 août, il faut espérer que celui-ci se soucie plus des droits des salariés (mais également de la population générale) que le Conseil d’État…



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